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Mgr Descubes, archevêque de Rouen et président de la commission sociale de la Conférence des évêques de France, était présent au Forum social mondial à l'invi-tation du Comité catholique contre la faim et pour le développement.

Il revient sur le sens de la présence chrétienne au forum.

"SOLEIL VIE" reproduit ici en raison de son intérêt ,le texte paru dans "MESSAGES", revue du Secours Catholique, en mars 2005, pages 22 et 23

 

Quel est le but de votre présence au Forum social mondial de Porto Alegre ?

Dès le début, la hiérarchie de l'Église a vu avec intérêt la tenue de ce forum. Pour moi, le FSM est d'autant plus intéressant qu'au niveau de la commission sociale nous sommes amenés à réfléchir sur les conséquences de la mondialisation. Cela entre donc totalement dans ma mission d'alerte au niveau de l'épiscopat. Il y a deux choses importantes. D'abord, Porto Alegre est un lieu symbolique par rapport à Davos. Dans une perspective religieuse, le symbolique revêt une place importante. Dans un monde où l'économie régit tout, une manifestation de ce genre est un événement à côté duquel on ne peut pas passer. Ensuite, le FSM donne la parole à ceux qui en général n'ont pas droit à cette parole : les minorités, les pays du Sud... Ils expriment ce à quoi ils aspirent, ont la possibilité de présenter leurs initiatives, d'émettre des propositions.

Que répondre à ceux qui sont contre la participation de l'Église à cette manifestation ?

Venez voir. C'est vrai qu'il y a des drapeaux rouges, mais devant moi, lors de la marche d'ou-verture, il y avait 500 jeunes des écoles maristes... Je crois qu'il faut sortir de cette conception binaire qui voudrait qu'au Nord se trouve le Bien, au Sud, le Mal, que le Forum économique soit bien et que le Forum social soit mauvais... Tant qu'on restera dans cette optique, on sera loin du projet de Dieu qui veut que notre humanité soit unie. Elle ne peut être unie que si sont respectées les diversités. Tant qu'on ne permet pas à l'autre de dire qui il est, tant qu'on en reste à "faire pour" au lieu de "faire avec", on reste loin de ce projet. Je pense que le FSM est dans la droite ligne de l'Évangile. Le Christ remet les gens debout. Et c'est bien le projet du forum, des organisations qui sont là. Faire en sorte que les Palestiniens soient libres, que les Africains aient accès à un système éducatif... Dans ce forum, les gens s'écoutent, se respectent et même s'ils ne sont pas d'accord, il y a un respect de la parole de l'autre.

Qu'est-ce qui vous a marqué au cours de ce FSM?

L'ambiance de fête. Le forum n'est pas triste. Ce qui m'a ému également, c'est de voir cette majorité de Jeunes. De voir combien de vieux militants sont présents et sont heureux de voir que quelque chose est en train de se construire. Et même si cela doit être différent de ce qu'ils pensaient, ils se disent qu'ils n'ont pas milité pour rien. Et puis bien sûr, j'ai été ému de voir ces gens qui croient qu'il peut y avoir une humanité plus juste. L'humanité a besoin de moments de fête, et pas seulement de célébrations bien huilées, bien organisées comme savent le faire les gouvernements ou l'Église. Le FSM, c'est un mélange de mai 68 au début, de Woodstock, de JMJ, du Jubilé... Il ne faut pas désespérer du monde. Jean-Paul II expliquait en 1997 aux évêques que « /es temps les meilleurs sont ceux que nous vivons ». Il ne faut pas regretter le passé. La qualité que l'on va donner au présent, c'est cela qui nous fait vivre. Le FSM nous rappelle tout cela et nous permet de sortir du schéma binaire opposant les tenants de la mondialisation à ceux de l'anti-mondialisation. Il nous propose d'aller vers autre chose.

Quelles sont, selon vous, les alternatives à cette mondialisation qui fait des ravages parmi les plus fragiles ?

Pour le moment, les forums en étaient restés aux débats. Ici, j'ai bien vu que se créaient des liens, des réseaux. On verra ce que cela va donner. Mais, en tout état de cause, il ne s'agit pas de se lamenter sur la situation qui est la nôtre. Par exemple, au niveau économique, prenons acte que nous sommes dans une économie de marché mondialisée. Mais je refuse d'en faire un absolu. Donc recherchons ensemble comment cette économie de marché mondialisée peut respecter l'humain aussi bien au Nord, je pense aux victimes des délocalisations, qu'au Sud. Comment progresser les uns et les autres ? Il n'y a pas de solutions miracles, mais on doit s'entendre pour respecter les États.

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